Manifestation.
Tous me semblait normal.
J'étais là à parler réforme avec Marin devant le blocus que formait trois nanas. "Non au sur effectif" criait leur banderole de tissu. Cette maigre rébellion faisait peine à voir. Je tentais un passage, on me barrait la route. Mon prof d'histoire se pointa à ce moment là et défonça le tas en deux ou trois coups de jambes, je choisis de lui emboîter le pas pensant gueuler quelque chose comme "J'ai mon BAC dans deux mois" histoire de faire bien. Je passais la grille malgré moi et filais bouquiner dans les couloirs du bâtiment E. Un blocus de plus. Et pourtant cela ne servirait à rien. Personne ne semblait y attacher grandes importances à ces réformes. De toutes manières, on nous avait dit que nous n'étions pas concerné. Alors tant pis...
Nous étions trois ou quatre à attendre tout bêtement devant la salle de cours, lorsque mon portable vibra. Derrière le bruit des hurlements je crus reconnaître la voix de Darling qui me gueulait de redescendre devant le lycée au plus vite. Avec les autres nous dévalâmes les escaliers, esquivant la salle des profs. Au loin nous entendions déjà un bourdonnement sourd. Nous nous approchâmes, la proviseur était de sortie (pour une fois) et tentait en vain de retenir les malheureux qui s'efforçaient de ressortir tant bien que mal. Je faisais partie du lot, et avec quelques autres évadés nous nous glissâmes à l'extérieur...
Dehors le bordel était monstre. La majorité des élèves, ayant amassés des poubelles, bouchaient l'entrée et gueulaient comme des porcs en frappant sur ces tam-tams provisoires. Accrochés les uns aux autres, nous retrouvâmes quelques connaissances auxquelles nous restâmes collés un certain temps. Bientôt, un grand brun grimpa sur les poubelles et nous gueula : "Tous à Couperin dans 10 minutes"...
Ainsi, et 10 minutes plus tard, plus de 200 élèves survoltés entamaient une descente vers la gare. La proviseur ne tarda pas à appeler les flics lorsqu'un gosse ressorti de la foule le visage et les mains en sang. Ces Objets Volants Non Identifiés qui filaient au dessus de nos tête depuis déjà 5 minutes étaient en réalité des gravas que nous balançaient des petits connards...
Une bonne chose pour ces casseurs qui non seulement en plus de se défouler, allaient pouvoir nous vider les poches pendant que nous manifesterions gentiment. Pas de quoi vous affoler si vous ne porter pas un de ces EastPak très répandus puisque en général, les petites poches de ce sac sont les plus accessibles pour eux.
Finalement manifester avait un point positif. Mieux que la religion, la manifestation rassemblait des hommes leur permettant d'exprimer en coeur des idées communes de façon légale. En une journée, je n'avais jamais vu autant de monde s'entre aider. Des nanas qui troquaient escarpins contre baskets pourries, aux mecs qui sortaient leur mouchoir pour des cheveux collants d'oeufs... Le tableau avait de quoi faire sourire.